Suisse, fin du XIXe siècle. A Saint-Imier, on vivote entre misère et exploitation, entre les étables et une industrie horlogère encore balbutiante. La visite de Bakounine, tout plein de l’ardeur de la Commune de Paris, éveille l’idée qu’une autre vie est possible. Dix jeunes femmes font le pari insensé de bâtir, à l’autre bout du monde, une communauté où règnerait « l’anarchie à l’état pur ». Valentine, dernière survivante des « dix petites anarchistes », nous fait le récit de cette utopie en acte qui les conduit de Suisse en Patagonie jusqu’à Buenos Aires, en passant par l’île de Robinson Crusoé. L’extraordinaire épopée de femmes soudées par un amour farouche de la liberté, qui ont choisi de « se réjouir de l’imprévu sans perdre la force de s’insurger ».
Voilà une bonne décennie, je suis arrivé en Suisse pour visiter le vallon qui a vu naitre l’Internationale Anti-autoritaire et y vivre une expérience auto-gestionnaire – à la coopérative culturelle Espace Noir. J’ai donc été tout naturellement attiré par ce livre. Mais au-delà de mon intérêt pour l’histoire du mouvement libertaire, il a touché ma sensibilité : car sous la couche théorique de l’Histoire d’une Pensée, il y a l’histoire des gens, sans majuscules, vivant la misère quotidienne, essuyant les humiliations de la hiérarchie, étatique ou patronale. Ces femmes qui refusent de se soumettre, qui se permettent de rêver d’un ailleurs, d’une vie plus juste, plus solidaire, nous renvoient directement à travers les siècles à notre propre expérience de l’indignation et de l’espoir d’un monde meilleur. Un livre qui fait du bien, et qui recharge les batteries !